Cette terre accueillante, située à quelques milles de Lorient, dans le Sud de la Bretagne, longue de huit kilomètres, large de quatre et d’une superficie de 1 470 hectares, abrite toute l’année près de 2 475 Groisillons. Victime de son succès, les mois de juillet et d'août voient, bien entendu, sa population augmenter dans de fortes proportions. C’est pourquoi il est préférable de s’y rendre en juin ou septembre mais, même en pleine saison estivale, on y trouve toujours un coin de plongée tranquille. Les fonds sous-marins autour de l’île sont dignes d’intérêt à plus d’un égard, et en premier lieu grâce aux nombreuses épaves faciles d’accès qu'ils recèlent.
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Le Vorpostenboot 709 - Guido Möhring
Le Sperrbrecher 134 - Falke
L'U 171
Les Tasso et Tapir
Le Plein Ciel
Le remorqueur Cyrano
L'Edouard Gougy
Commençons par la face nord de l’île de Groix, la moins exposée aux vents dominants d'ouest et sud-ouest. Le V 709 Guido Möhring attend la visite des amateurs. Improprement nommée M 10 sur les anciens documents du Service hydrographique et océanique de la Marine française, cette carcasse est plus connue localement sous le nom "d'épave au canon". Ce chalutier de 45 mètres voit le jour en 1928 à Cuxhaven, en Allemagne septentrionale, et travaille à la pêche jusqu'en 1939, année durant laquelle il est réquisitionné par la Kriesgmarine et rebaptisé sous le matricule V 709. L’ex-bateau de pêche a désormais la fonction de Vorpostenboot, autrement dit de patrouilleur. Sa carrière militaire opérationnelle débute en avril 1940 dans les eaux froides de Norvège, puis il est intégré à la 7e flottille de patrouilleurs attachée au port de Kiel pour la surveillance de la Baltique. Cette unité est, peu après la défaite française, réorganisée dans le port de Brest.
Le 18 avril 1941, des pêcheurs inquiets ramènent dans leur chalut une torpille britannique. Le V 709 qui patrouille dans le secteur est alors appelé sur zone pour neutraliser le redoutable engin. Un plongeur amarre l’arme qui est déposée délicatement sur le pont. Soudain la torpille explose, il est 12 h 10, plusieurs marins sont tués sur le coup tandis que l’arrière du patrouilleur subit de graves avaries. Le remorquage du navire est rapidement entrepris, on espère atteindre le port de Lorient tout proche. Hélas ! l’état de la mer ne facilite pas la manœuvre, on choisit alors de transférer tous les marins, blessés ou non, vers le navire arrivé en renfort. Vers 19 heures, le convoi se trouve au milieu des Courreaux de Groix lorsque le V 709 gîte brutalement sur bâbord et disparaît, en quelques minutes, de la surface des eaux.
"L’épave au canon" telle qu’elle est connue, doit son nom au magnifique canon de 8,8 cm qui, planté au milieu de la proue, semble viser pour toujours un hypothétique ennemi venu du ciel. L’ex-Guido Möhring est une belle épave qui a dû subir, malheureusement, durant des années, le déversement des dépôts de dragage du port de Lorient. Aujourd’hui, elle retrouve un succès mérité auprès des plongeurs, même si la zone n’est pas vraiment réputée pour son eau cristalline. Orienté Nord/Sud (il rentrait au port), le bateau est posé sur un fond vaseux par moins trente mètres. La pièce maîtresse est bien sûr l'étrave, hérissée de son arme à jamais pacifique, agrémentée le plus souvent de nuages de tacauds de taille respectable. Une belle ancre est encore à poste dans son écubier et l'on trouve également un magnifique guindeau sur le pont supérieur. La passerelle n’existe plus et, en allant vers l’arrière, on arrive vite sur la partie centrale dans laquelle on reconnaît une chaudière siègeant au milieu du désordre métallique dû à l'explosion de la torpille.
Cette zone constitue un habitat favorable à la prolifération des congres à l’attitude débonnaire, nullement perturbés par le courant
sévissant lors des marées de vives eaux. Vers la poupe, le V 709 est complètement effondré ; il est néanmoins encore
possible de reconnaître une partie du système de barre mais l’hélice a disparu et le reste n’est qu’un bric-à-brac qui,
manifestement, fait le bonheur des poissons omniprésents durant la promenade. En revenant sur l’avant, vous ne manquerez pas une
grosse chaîne de mouillage tendue et solide comme au premier jour ; elle vous mènera sur une ancre décidée à fixer pour toujours le
chalutier armé entre Groix et Lorient, pour le plus grand bonheur des plongeurs.
(dessin : Olivier Brichet).
Ce navire marchand d'une longueur de 72,54 mètres, d'une largeur de 10,18 mètres pour un déplacement de 1 000 tonnes est construit
en 1909, en Allemagne, au chantier naval Bremer Vulkan et lancé le 31 juillet 1909. Les 750 ch de sa machine à vapeur à triple
expansion qu'alimentent deux chaudières lui assurent la vitesse maximale de 10 nœuds. C'est sous le nom de baptême de S/S Toreador
que la compagnie J. D. Stürken de Brême l'utilise au début de sa carrière. En 1918, il est racheté par la compagnie Argo Reederei et
rebaptisé S/S Düsseldorf puis S/S Poldorf, en 1920, et de nouveau S/S Düsseldorf, en 1921. Puis il est
cédé à la Roland Linie, en 1923, qui trouve plus "seyant" de le renommer S/S Falke, nom qu'il ne quittera plus malgré sa
vente, en 1926, à la Norddeutscher Lloyd, puis de nouveau à l’Argo Reederei, en 1933. Après avoir été ballotté dans toutes ces
compagnies, au gré des achats et des ventes, il conserve ce nom jusqu'à sa réquisition, en 1939, par la Kriegsmarine
avant de débuter sa nouvelle carrière le 1er octobre comme Vorpostenboot 104 à la 1.VpF. (1re flottille de patrouilleurs).
Transféré ensuite à la 1.SpbrF (flottille de Sperrbrecher), le 1er juillet 1940, refondu, il devient officiellement le Sperrbrecher 34
le 1er octobre 1940, se dotant au passage d'une puissante Flak constituée de deux pièces de 8,8 cm et de six canons de 2 cm.
Puis, le 11 novembre 1940, il fait un petit séjour à la 2.SpbrF. avant d’être affecté définitivement à la 6.SpbrF. de Lorient,
le 1er août 1941, date à laquelle il devient le Sperrbrecher 134.
Le S/S Falke était donc l'un des nombreux bâtiments civils, chalutiers et cargos, réquisitionnés par la Kriegsmarine pour être transformés en navires de protection des U-Boote afin de lutter contre les multiples mines qui parsemaient les abords des bases sous-marines, telle Lorient, et les dangereuses attaques aériennes effectuées par la Royal Air Force. Ces bateaux étaient équipés d’un matériel spécifique à la guerre des mines et bien pourvus en Flak, la défense antiaérienne allemande. Mais, le 8 août 1944, la puissante artillerie antiaérienne du Sperrbrecher 134 et d’autres bâtiments militaires allemands qui étaient au mouillage avec lui devant Port Tudy ne put empêcher des chasseurs bombardiers de la britanniques de le couler. Par miracle, sur la centaine de marins que comptait l'équipage, aucune victime ne fut à déplorer et tous les marins allemands purent rejoindre, à la nage, la terre ferme ou furent secourus par des pêcheurs français qui avaient été témoins du drame. Triste jour pour la Kriegsmarine mais une bien belle aubaine pour les Alliés… et les plongeurs !
Bien qu’effondrée en grande partie en son milieu, cette épave mérite le détour. Le Sperrbrecher 134 repose droit par
moins vingt mètres sur un fond de sable grouillant, à certaines périodes de l'année, d'ophiures noires à l'aspect étrange mais
inoffensives. Ce site, protégé des vents dominants d'ouest et sud-ouest, est un des plus fréquenté de la région car accessible à
tous les plongeurs, ce qui n'enlève rien à son intérêt. Les amateurs de calme auront tout simplement à cœur de s'y rendre de bon
matin afin d'éviter la cohue estivale. Mais l'épave est suffisamment importante pour que plusieurs palanquées puissent y évoluer
sans se gêner. Bien que les courants soient peu importants à cet endroit, il est préférable, comme partout ailleurs, d'y plonger
par faible coefficient de marée et à l'étale, ceci pour bénéficier au maximum d'une visibilité qui peu aller du meilleur au pire.
(dessin : Olivier Brichet).
La partie avant est la mieux conservée. Vous pouvez pénétrer aisément dans le coqueron avant sans trop de risques (attention quand même !) car la lumière passe au travers de multiples ouvertures. Evitez bien entendu tout palmage intempestif, générateur de particules désagréables. Dirigez-vous ensuite vers l’étrave qui est la partie la plus belle et la plus intéressante. La plus belle car la plus "impressionnante" lorsqu’on l’observe en contre-plongée et dans son ensemble, le regard remontant vers la surface. La plus intéressante aussi car elle possède la fameuse perche articulée qui recevait un système électrique destiné à déclencher l’explosion des mines magnétiques, le fameux GBT. N'hésitez donc pas à vous laisser glisser jusqu'au fond afin d'admirer cette pièce originale et remarquable, ornée d'alcyons digités oranges du plus bel effet. Remontez de quelques mètres, longez tranquillement le flanc tribord du Sperrbrecher, admirez au passage les quelques roses de mer à la fine dentelle qui y séjournent et explorez ensuite la partie centrale. Ne vous précipitez pas et prenez le temps de bien examiner les moindres recoins. L'enchevêtrement de métal recèle nombre de cachettes habitées par des locataires peu farouches allant des blennies gattorugines aux congres en passant par les tourteaux. Vous constaterez également que cette épave est rendue très vivante par les tacauds en grand nombre qui y déambulent en permanence.
La ballade subaquatique se poursuit par les deux chaudières et les restes effondrés de la machine dont on aperçoit les bielles drapées de concrétions gisant pêle-mêle les unes sur les autres. Palmez vers la poupe sur laquelle trône une énorme "roue". Il s'agit en réalité d'un support de pièce antiaérienne à présent couché pour l'éternité. Inutile d'y chercher un quelconque canon car ceux-ci ont été retirés de l'épave depuis bien longtemps. Il en va de même de l'hélice qui brille, malheureusement, par… son absence. Continuez en longeant le côté bâbord, en moins bon état, et revenez ainsi à votre point de départ. La faible profondeur de cette plongée permet d'y séjourner un laps de temps appréciable que l'on peut mettre à profit pour explorer l'épave sous toutes les coutures. Lorsque vous entamerez votre remontée, ayez toujours à l'esprit que de nombreux bateaux fréquentent les lieux et que deux tours d'horizon valent mieux qu'un. Il y a fort à parier que cette attachante épave vous aura laissé un goût de "revenez-y" et que, de retour vers le port, vous penserez déjà à votre prochaine visite au "Sperr".
Cet U-Boot du type IX-C, construit à Brême aux chantiers Deschimag AG Wesser, est mis en service le 25 octobre 1941. Après une classique affectation à la quatrième flottille comme bâtiment-école, sous le commandement de l’Oberleutnant zur See Gunther Pfeffer, il est affecté, le 1er juillet 1942, à la dixième flottille de Lorient comme unité de combat. L'U 171 se dirige déjà en direction du golfe du Mexique, pour sa première patrouille de guerre. Mais les conditions ont changé : aux nombreux succès allemands obtenus dans cette zone est désormais opposée la très efficace tactique des convois, seul moyen éprouvé de faire échec aux U-Boote. L'U 171 passe tout d’abord au sud de la Jamaïque pour se rendre dans son secteur d’opération, au large de Tampico, grand port mexicain. Pourtant le trafic maritime est rare et il faut attendre le 26 juillet pour que soit torpillé le vapeur Oaxaca (4 351 tx). Le 13 août, le pétrolier R.M. Parker Jr. (6 779 tx) subit le même sort, puis vient le tour du pétrolier Amatlan (6 511 tx) d’être envoyé par le fond, le 4 septembre.
La mission arrivant à terme, le sous-marin reçoit l'ordre de rejoindre sa base. Le 9 octobre 1942, l'U 171 a rendez-vous
au point Lucie 2, à cinquante milles dans l’ouest de Lorient, avec une escorte qui, bien qu'en route pour le rejoindre, n’est pas
encore en vue. Malgré tout, le victorieux submersible n’est pas seul, plusieurs avions allemands surveillent les alentours dont un
trimoteurs Junkers 52 'Mausi' détecteur de mines. Le commandant Pfeffer décide de s’approcher mais, vers 13 h 30, peu après le passage du
Junkers, retentit une énorme explosion : l'U 171 vient d’être victime d’une mine magnétique britannique !
Le commandant Pfeffer pense tout d’abord maintenir le sous-marin à flot mais il devient rapidement évident que c'est peine perdue, le
"loup gris" prend de la gîte et commence à sombrer. L’ordre d’évacuation est donné, puis les événements vont très vite : l'U 171
s’enfonce par la proue, emprisonnant les marins qui n’ont pu sortir à temps, la poupe hors de l’eau, ses deux hélices brassant désespérément
l’air. Dans la salle des moteurs diesel et électriques, l’eau s’est engouffrée, noyant tous les marins qui n’avaient pu évacuer assez rapidement
mais, dans la partie avant, se joue un deuxième drame. Des hommes ont pu fermer l’écoutille de la salle des torpilles, isolant le
compartiment. Chacun des dix-sept sous-mariniers prisonniers a, avec lui, son appareil respiratoire de sauvetage, le fameux
Tauchretter, l’appareil de la dernière chance.
L’eau monte doucement et inexorablement à l’intérieur du sous-marin, les tympans font mal, des vapeurs de chlore, irritant les yeux
et les poumons, se dégagent des accumulateurs noyés. Au bout d’une heure environ, l’avant est tellement inondé que les pressions
extérieure et intérieure s’équilibrent. L’Obergefreiter Sauter réussit à ouvrir le panneau de chargement des torpilles
par lequel parviennent à s’échapper seize hommes, dont l’Oberfahnrich zur See Kurt Lau. Le dix-septième, pour des raisons
demeurées inconnues, reste coincé et se noie. Un des quinze sous-mariniers meurt plus tard des suites de brûlures de potasse dues
à l’introduction d’eau dans la cartouche filtrante de son Tauchretter. Les survivants sont repêchés par des canots du
Sperrbrecher 134 et d’autres vedettes.
Sur un effectif de quarante-neuf hommes, vingt-deux sous-mariniers allemands, dont deux aperçus en train de nager par leurs camarades,
manquent à l’appel au soir du 9 octobre 1942.
La localisation du "loup gris" s’avère parfois assez difficile car elle se trouve à une profondeur d'environ trente-huit mètres,
à la limite de plaques et de blocs rocheux dont l’écho est susceptible de perturber la lecture du sondeur. L’utilisation d’un
appareil de qualité est donc vivement recommandée. Il faut bien visualiser sur l'écran une remontée de sept mètres qui représente
le point le plus haut du sous-marin, au niveau du massif. L'épave repose à plat, orientée Nord-Sud. Curieusement la partie avant
n'existe plus, victime d'une violente explosion qui l'a littéralement pulvérisée et dont la cause pourrait bien tirer son origine
d'un entraînement d'un commando de marine basé à Lorient. Toutes les suppositions peuvent être émises ! Le sous-marin est donc
sectionné au ras du poste central et la double coque à complètement disparu, victime de la corrosion.
(dessin : Olivier Brichet).
Lors d'une première visite au U 171, le plongeur est toujours surpris par une vision n’évoquant absolument pas l’image que l’on peut se faire d’un U-Boot type IX-C reposant par quarante mètres de fond, même après un sommeil de près de quatre-vingts ans. On se rend compte immédiatement que l’épave a souffert. Cela est dû, évidemment, au temps passé sous l’eau, à se désagréger doucement mais on devine rapidement que la main de l’homme n’y est pas étrangère. En s'approchant du kiosque le regard est inévitablement attiré par le périscope de veille, en position rétractée. Il est splendide, véritable joyau serti dans son écrin d'acier. Par contre le périscope d'attaque a été démonté par des indélicats amateurs de souvenirs. Le « jardin d’hiver », nom que donnaient les sous-mariniers allemands à la plate-forme en arrière la baignoire, qui supportait un canon de 2 cm, a également disparu.
Devant les logements des deux périscopes se trouve le Turmluk, le panneau d’accès au kiosque, demeuré ouvert. Quelques mètres plus bas, l'entrée du poste central apparaît mais attention, il est à présent interdit de pénétrer à l'intérieur du sous-marin suite aux protestations émises par des membres de la communauté allemande. Protestations bien compréhensibles d'ailleurs au vu des nombreuses cicatrices laissées par les "collectionneurs". N'oublions pas qu'il s'agit d'une tombe de guerre et que personne n'aimerait voir sa propre sépulture saccagée. De toutes façons, la visite était un exercice des plus dangereux et il est fort probable qu'un jour ou l'autre une nouvelle victime serait venue ajouter à la liste, déjà longue, des infortunés victimes. Par contre, rien ne vous empêche d'éclairer le sas pour apercevoir la base du périscope de veille aérienne ainsi que les commandes des barres de plongée en partie recouvertes de sédiments avec, au fond, une ouverture rectangulaire derrière laquelle se cache la salle des machines… Mais rappelez-vous : entrée interdite ! Verboten!
Dirigez-vous vers l’arrière par l'extérieur et observez, au passage, le bon état général de la coque épaisse ainsi que les deux tuyaux d'aspiration d'air des moteurs MAN et l'embase d’une crinoline qui supportait un canon antiaérien de 3,7 cm, depuis disparu. Votre regard est inévitablement attiré par le panneau d’échappée des machines, fermé, qui doit normalement déboucher au-dessus du compartiment des diesels. Poursuivez votre visite et arrêtez-vous devant un panneau oblique grand ouvert. Il s’agit de l’ouverture permettant d’embarquer, en les inclinant, les torpilles arrière. Cette petite balade vous mène jusqu’à la poupe, légèrement affaissée. L’extrémité des deux tubes lance-torpilles est séparée de la coque et repose désormais sur le fond. La trappe du tube tribord est ouverte mais l’intérieur de celui-ci est vide ; voilà bien longtemps que son occupante s’en est allée. Une hélice, aux pales abîmées, s'offre aussi à votre regard alors que sa sœur jumelle se trouve coincée sous la coque.
Mais ne croyez pas que cette promenade sous-marine s'arrête là car la partie avant de l’épave, bien qu'intégralement disloquée, n’en demeure pas moins digne d’intérêt. Au milieu de morceaux de ferrailles divers, vous apercevrez le canon de 10,5 cm, des conteneurs d'obus du même calibre et, en poursuivant un peu plus loin, un tronçon de la coque épaisse du sous-marin complètement éventrée avec, à proximité, les restes en assez bon état des quatre tubes lance-torpilles avant. A proximité gît un guindeau près duquel repose une ancre à pattes articulées avec, encore, un bout de chaîne. On trouve également de nombreux réservoirs d’air comprimé, à ne pas confondre avec des torpilles, ainsi que les restes des barres de plongée avant et beaucoup de débris dignes d’intérêt que vous aurez bien plaisir à découvrir.
Le Tasso est, pour l'époque, un steamer moderne à coque acier de 1 166 tx, lancé en 1904 par la Campbelltown Steam Boat Company. Ce vapeur, long de 82,9 m et large 12,2 m, est propulsé par une machine à triple expansion de marque Rowan and Company qui développe 264 ch et l'entraîne à la vitesse de 10 nœuds. Après vingt ans de transport sans histoire, il est réquisitionné pour les forces armées britanniques, le 11 août 1914, puis mis à disposition du gouvernement français, le 23 juin 1916. La guerre fait rage, sur terre comme sur mer, et les sous-marins allemands constituent le danger principal auquel sont confrontés les bâtiments de transport alliés. Ce 14 mars 1917, la mer est calme, le Tasso navigue dans un convoi de treize navires parti de Bertheaume pour gagner La Pallice. Par précaution, les bateaux suivent la côte, soumettant ainsi un seul bord à la furie des U-Boote qui mènent désormais une guerre sous-marine à outrance. Depuis peu, les navires de commerce sont armés, le Tasso dispose ainsi, à l'arrière, d’un canon de trois livres semi-automatique de marque Vickers. Le convoi est néanmoins escorté par des navires de guerre. Il y a d'abord l’Océan sur tribord avant, épaulé par le Lyon sur bâbord arrière et le Montréal en tête du convoi. La côte de Groix est en vue et, dans quelques heures, le convoi fera relâche à Belle-Île avant de repartir vers La Pallice où le vapeur britannique doit décharger sa cargaison d’acier et de coton. Partis de Manchester, les 24 hommes d’équipage ont hâte d’amarrer leur bateau au port, à l’abri des sous-marins, afin de se reposer un peu sans l'angoisse permanente qui leur tient compagnie depuis le départ.
Vers 2 h 15, à deux milles dans l’ouest de la pointe de Pen-Men, l’homme de barre croit distinguer une forme noire sur l’avant. Puis
des tubes verticaux glissant sur la surface de l’eau sont aperçus dans la pénombre. L’officier de quart est prévenu. Il a
immédiatement compris qu’il s’agissait d’un sous-marin à l’affût et donne l’ordre de foncer sur l’ennemi « barre à droite », dans
l'espoir de l'éperonner. Mais il est trop tard et une torpille fond déjà sur le cargo, le frappant à 30 cm sous la ligne de flottaison,
entre les cales 1 et 2. L’équipage, réveillé par l’explosion, sort en catastrophe des cabines et évacue le navire alors que la mer
s’y engouffre. Touché à mort, engloutissant des tonnes d’eau, le Tasso s’enfonce rapidement et définitivement. Le navire a
déjà coulé lorsque l’escorteur Océan arrive sur zone. L’obscurité gène les recherches mais des cris et des appels lancés
par les naufragés laissent espérer que la plus grande partie de l’équipage se maintient en surface. Finalement, seuls six hommes
sont repêchés, traumatisés et transis de froid, dont deux souffrant de blessures légères. En tout, ce sont dix-sept marins et le
capitaine Owen, qui ajoutent leurs noms à la liste déjà très longue des victimes de la Grande Guerre.
Quelques jours plus tard, c'est au tour du Tapir de venir tenir compagnie, pour l'éternité, à l'infortuné cargo britannique.
En effet, dans la soirée du 18 mars 1917, le sémaphore de Beg-Melen signale, à 2 milles dans le nord-ouest, une épave munie de deux
mâts laissant échapper une nappe huileuse. Le Tapir, commandé par l'enseigne de vaisseau auxiliaire André, est envoyé
sur zone afin d'essayer de la prendre en remorque et de l'échouer sur la plage la plus proche. Il la trouve le lendemain et tente,
en vain, de la remorquer puis l'abandonne après avoir frappé un pavillon rouge sur un des mâts qui dépassent de la surface. Ayant
reçu l'ordre du vice-amiral, préfet maritime, de vérifier quotidiennement la position de cette épave et de la remorquer quand cela
sera possible, le capitaine de vaisseau Lesquivit, commandant le front de mer de Lorient, envoie sur zone, le 21 mars, le
Tapir ; le 22, le dragueur auxiliaire Dauphin ; et, le 23, l'arraisonneur Charles Philippe. Ce dernier
détermine alors parfaitement la position de l'épave en relevant des alignements et trouve des sondes de 13 mètres sur l'épave et
de 22 mètres aux alentours, ce qui concorde avec les renseignements fournis les jours précédents par les deux autres bateaux.
L'épave a l'air d'être bien accrochée mais les autorités maritimes gardent un petit espoir de pouvoir la dégager et la remorquer.
Ordre est alors donné au Tapir, le 24 mars, d'appareiller à 10 heures et de profiter d'une marée à fort coefficient pour vérifier
si l'épave n'aurait pas été entraînée par des courants et s'il serait possible de la prendre enfin en remorque ou, sinon, de la détruire.
Ceci dans le but de rétablir une navigation plus sereine dans un passage très fréquenté par les nombreux convois et navires se rendant à
ou sortant de Lorient.
Mission de routine pour le Tapir…
cependant, le destin allait en décider autrement car, à 11 h 10, le capitaine de vaisseau Lesquivit reçoit un télégramme inquiétant lui indiquant
qu'une énorme explosion vient de se faire entendre sur la zone où œuvre le Tapir et qu'il ne reste aucune trace du remorqueur qui semble
avoir instantanément disparu de la surface de la mer. L'information est confirmée dix minutes plus tard par le sémaphore de Beg-Melen.
Le Charles-Philippe et le Dauphin appareillent en urgence afin de secourir d'hypothétiques rescapés. Hélas ! lorsque le
Charles-Philippe arrive, le premier, sur les lieux du sinistre, la mer est couverte de débris déchiquetés et de poissons morts
au milieu desquels flottent un youyou, quelques cartes, des pavillons et des bouées de sauvetage qui se trouvaient fixées à la passerelle
du remorqueur. Du Tapir il ne reste plus rien... volatilisé ! Le Dauphin fait la même et triste constatation puis repêche
finalement le corps d'un matelot, à 13 heures.
Le lendemain, à 17 heures, dans les environs du naufrage, le Dauphin réussit à relever quatre mines à antennes qui sont détruites à coups
de fusil. La présence de ces engins confirme que le Tapir a bien été victime d'une mine et a sombré le 24 mars 1917, au matin,
avec son commandant et ses quatorze hommes d'équipage.
Le Tapir était un remorqueur de 200 tx mis sur cale en 1907 et lancé en 1909 aux Forges et chantiers de la Méditerranée à
la Seine-sur-Mer. Propulsé par une machine de 400 ch, il avait fait un court passage à Cherbourg avant d'être affecté définitivement
à Lorient pour y effectuer les servitudes du port. Le Tapir s'était alors acquitté, sans rechigner, de ses tâches portuaires avant
d'être rattrapé par son tragique destin.
La carcasse du Tasso se trouve sans problème, toujours avec l'aide du GPS et d'un bon sondeur, les chaudières constituant
l'écho le plus représentatif de cette épave, disloquée mais néanmoins intéressante. Il vous faut préférer un mouillage sur l’une
d'elles car elles peuvent constituer le départ de cette promenade et un excellent point de repère lors de votre pérégrination.
Vers l’avant, le bateau ne dépasse plus du sable, parsemé de quelques petites roches, que d’un mètre environ. L'étrave est
encore reconnaissable, notamment l’une des ancres qui constitue l’une des rares pièces identifiables de la proue mais la
partie centrale et l'arrière de l'épave sont, de loin, beaucoup plus intéressantes. Les restes de l’acier transporté et quelques
boggies semblent soudés par le temps aux structures du Tasso, empilés tel un mille-feuille. Au niveau des chaudières, on
constate que la machine a été récupérée, comme souvent sur les épaves travaillées. Continuez vers la poupe et régalez-vous du
spectacle de l’énorme hélice et du gouvernail qui pointe sa longue mèche vers la surface et n'oubliez pas d'observer, côté bâbord,
le canon Vickers reposant sur le fond.
La visite des vestiges du Tapir s'effectue lors de la plongée sur le Tasso. En effet, ces deux épaves reposent
quasiment au même endroit. Il suffit, lorsque l'on arrive à l'arrière du Tasso, au niveau du safran, de continuer la
promenade sur quelques mètres. Vous apercevez alors l'arbre d'hélice du Tapir avec de nombreux débris couverts de concrétions
qui gisent ça et là. En cherchant bien vous trouverez certainement quelques objets intéressants à examiner.
La visibilité est souvent très bonne sur ces deux épaves, voire excellente, et les tacauds comme les lieus les affectionnent
particulièrement, sans compter un nombre toujours impressionnant de vieilles et de coquettes. De petites langoustes et des congres
peuvent aussi surprendre le plongeur un peu fouineur. La faune est toujours omniprésente sur ce site et, avec un peu de chance, l'été,
une rencontre avec un poisson lune en ballade vers la surface ou des dauphins n'est pas à exclure. Nul doute que cette plongée peu
profonde dans l'histoire tumultueuse de la Grande Guerre mérite le détour et vous enchantera.
Ce chalutier en acier a été volontairement coulé le 14 décembre 1992, à 13 h 30, par des nageurs de combat du Commando Hubert qui avaient embarqué à bord du bâtiment de soutien Alcyon afin de pétarder ce bateau, désarmé suite à une sortie de flotte. Construit en 1965 aux chantiers S.I.C.C.Ma de Saint-Malo, cette magnifique unité destinée à la pêche hauturière, représentative de la construction navale de l'époque, débute sa carrière à l’armement Golabre, à Lorient, pour lequel elle navigue durant quatorze ans. Le Plein Ciel est ensuite racheté en février 1979 par l’armement Monfort et Consorts et mis en exploitation en mars 1979 avec pour patron René Monfort, monsieur Consorts étant le mécanicien. Cet achat faisait suite à la perte de l’Entente (ex-Grand Be rebaptisé, mais ne dit-on pas que changer le nom d'un bateau porte malheur ?), du même armement, qui avait sombré, le 17 janvier 1979, prés des Pourceaux, aux îles de Glénan, avec à la barre un patron remplaçant : Rémy Burguin. Imaginez un instant la vilaine surprise qu'eut René Monfort, rentrant de vacances, lorsqu’il apprit le naufrage alors qu’il patientait, en compagnie de sa femme, sur un quai de Concarneau, afin d’accueillir son bateau et son équipage. Toujours est-il que la nouvelle acquisition se révèle être un bien meilleur outil, que ce soit en action de pêche quand il faut tracter le chalut ou dans le gros temps quand il faut étaler. Et des tempêtes, le Plein Ciel en verra et en affrontera dans sa longue carrière ! Partant de Lorient, il lui fallait environ quarante heures de route pour se rendre jusqu'au canal Saint George, à la hauteur de l‘île de Man, afin de pouvoir chaluter dix jours durant et revenir à son port d'attache pour la vente, le quatorzième jour. La mer d'Irlande est souvent dure et René Monfort ne compte plus les fois où il du se mettre à la cape, les carreaux de la timonerie éclatant sous l'assaut furieux des vagues, restant même une fois plus de trente-six heures d'affilée à la barre de son bateau, luttant contre la fatigue et les éléments déchaînés. Mais le Plein Ciel est un bon chalutier, dur au mal et possédant une bien meilleure carène que l'Entente (il faisait partie de la même série que le Nadia, voir l'article qui lui est consacré sur ce même site). Bien barré, poussé par les infatigables 560 ch de son fidèle moteur Duvant-Crepelle, il ramènera toujours à bon port son équipage.
Pour un marin comme René Monfort, qui a commencé la pêche à 14 ans comme "cuistot" sur un thonier en bois (à bord duquel il voyait le jour à travers le bordé aux planches disjointes lorsqu'il était sur sa couchette au vent), le Plein Ciel est un bateau confortable et un solide bourlingueur. Contrairement à nombre de professionnels qui restent très méfiants face aux nouvelles technologies, il ne néglige aucune possibilité de faire progresser ou d'améliorer la sécurité en mer. Il fait donc partie des patrons-pêcheurs qui participent, bénévolement, au programme d'essais des balises SARSAT (Search And Rescue Satellite-Aided Tracking, localisation par satellite pour les opérations de recherche et sauvetage). Tous les matins, pendant la période des essais qui s'étale sur plusieurs mois, il appelle Saint-Nazaire pour prévenir qu'il met en route sa balise. Il relève ensuite régulièrement, toutes les quinze minutes, sa position et envoie ses relevés au CROSSA d'Etel pour rapport et expertises. Le système s'avère être une réussite. En remerciement pour leur participation à la mise au point du système SARSAT, le vice-amiral d'escadre Corbier remet une balise aux trois bateaux qui ont collaboré : le Charcot, le Goling et le Plein Ciel. Puis sonne l'heure, tant redoutée pour certains, mais tant attendue par d'autres : la retraite. Le bateau est alors vendu à Michel Despre, de Saint-Malo, qui navigue quelques années avec puis le cède ensuite à l'armement Nord-Bretagne, filiale de pêche fraîche de la société Comapêche. Cette entreprise cherche alors des "vieilles bailles" pour pouvoir construire des vingt-cinq mètres neufs, ce qu'elle fait en 1992-93 avec trois navires : l'Alya, le Ksora et l'Effera.
Le Plein Ciel est alors désarmé et part vers son triste destin… Triste destin ? Seconde naissance serait un terme plus approprié car, après avoir vaillamment servi différents armateurs, le vieux laboureur de l'océan entame une seconde carrière au service des passionnés de tourisme subaquatique que nous sommes. Cette épave, magnifiquement conservée, couchée à environ 45° sur son côté tribord, repose sur un fond de sédiments et de plaques rocheuses, orientée Nord-Sud, par moins 55 mètres environ. Elle est très facile à localiser à l’aide du sondeur, l'écho est magnifique avec une remontée caractéristique de 6 mètres. La plongée sur ce site nécessite néanmoins quelques précautions élémentaires mais indispensables car il ne faut pas perdre de vue que cette zone est constamment sujette à de forts courants et reste exposée aux vents dominants d’ouest et sud-ouest.
Il est fortement recommandé de laisser une personne en sécurité surface sur le bateau, de bien assurer son ancre au fond et d'utiliser un fil d'Ariane afin d'être certain de retrouver son mouillage. Au vu de la profondeur relativement importante et des conditions de plongées délicates souvent rencontrées sur ces lieux, la descente et la remontée en tenant la ligne de mouillage s'imposent, d'autant plus qu'il n'est pas rare d'effectuer ses paliers à l'horizontale. La visibilité peut aller du meilleur au pire, c'est à dire de quatre ou cinq mètres à… zéro ! L'ambiance qui règne autour du Plein Ciel est toujours très particulière, plutôt spectrale car l'épave, très claire, semble parfois entourée d'un halo lumineux. L'impression de visiter la "maison de Dracula" vous viendra sans doute à l'esprit d'autant plus que, la plupart du temps, la faune brille curieusement par son absence hormis, parfois, la présence de quelques "vampires" apodes, en l'occurrence d'énormes congres qui y font relâche et dont la nage élégante enchante toujours le plongeur.
Néanmoins la promenade vaut le détour. Inutile de descendre jusqu'au fond, vous n'y trouverez aucun intérêt. Longez plutôt le pavois coté bâbord et dirigez-vous vers la timonerie sur laquelle figure encore le nom du bateau. L'absence de portes incite à y pénétrer mais méfiance ! la profondeur est là… Rien ne vous empêche, cependant, d'y jeter un œil sans trop vous y aventurer. Survolez le gros treuil et dirigez-vous vers l'étrave où se trouve le gaillard d’avant, entouré d'un solide balcon avec, à ses pieds, un des mâts de charge qui servaient à amener à bord la poche du chalut remplie de poissons. Ce mât, toujours en place, est parfois orné d'un morceau de filet enroulé à son extrémité. Faites le tour de la proue et revenez vers le château qui surmonte la poupe typiquement arrondie des chalutiers des années soixante. Le mât arrière est affalé en travers et des panneaux sont ouverts. Hélas ! déjà, vos instruments vous signalent qu'il est temps de remonter pour les paliers. Qu'à cela ne tienne, le Plein Ciel ne bougera pas et attendra sereinement votre prochaine visite.
En 1926, l’Union normande de Rouen, une compagnie spécialisée dans le transport fluvial, commande aux Pays-Bas quatre remorqueurs dont le Cyrano. D’une longueur de 33,93 m pour une largeur de 6,84 m, ce petit bateau a un faible tirant d’eau de 2 m pour 166 tx. Doté d’une machine à vapeur alternative de 600 ch, il atteint 11 nœuds et ses condensateurs à circuit fermé lui permettent de fonctionner en mer bien qu’il soit, avant tout, conçu pour les eaux intérieures. La haute cheminée, si caractéristique de ces anciens remorqueurs, s’abat rapidement sur l’arrière pour passer sous les ponts et arbore fièrement le trèfle rouge, marque de la compagnie. A partir de 1930, le Cyrano est affecté au service du Havre et assure les liaisons Rouen-Le Havre, remorquant des chalands de 800 t, le plus souvent chargés d’hydrocarbures. Travail routinier d'une dizaine d'année pour l'équipage constitué d'un capitaine, un matelot, un mousse, un mécanicien et deux chauffeurs. Mais l'arrivée de la Seconde Guerre mondiale vient chambouler complètement cette routine. En effet, suite à l'avance rapide de la Wehrmacht qui se dirige vers Paris et Rouen, les mariniers normands décident de descendre la Seine et de partir vers l'ouest afin d’empêcher l'ennemi de s'approprier les bateaux. C'est sous le commandement d'un homme hors du commun, le capitaine Joseph Jacq, que cet étrange convoi fait route vers Honfleur puis Ouistreham avant d'arriver à Cherbourg, le 12 juin. Deux jours plus tard, le périple reprend en direction de Saint-Malo et, le 15 au soir, le convoi s’abrite dans la Rance. Le 17, l'armada hétéroclite appareille à nouveau en direction de la baie de Morlaix qui est atteinte le 20 après avoir essuyé une mer forte qui a bien malmené ces bateaux prévus, rappelons-le, pour la navigation fluviale. Les mariniers pensent pouvoir trouver un peu de répit en mouillant dans les bassins à flots mais, à leur grande stupéfaction, l'administrateur le leur interdit et suggère au capitaine Jacq, ébahi, de fuir sur les côtes Sud de l’Angleterre alors qu'au dehors la tempête fait rage. Finalement, le patron des remorqueurs reçoit l’interdiction de quitter la baie et l’ordre de prendre toute disposition pour amarrer au mieux les bateaux. Malheureusement l'armée allemande arrive à Morlaix, après tout juste quelques semaines de répit, et réquisitionne les remorqueurs, chalands et automoteurs. Affecté à la 40e flottille des dragueurs de mines, le Cyrano est désormais chargé de nettoyer les chenaux d’accès des U-Boote basés à Lorient et porte, à présent, le nom de M 4021. Le 28 janvier 1944, il percute une mine et sombre en quelques minutes sous les couleurs de la Kriegsmarine, heureusement sans faire de victime.
Sous le nom de "remorqueur", la petite épave est très convoitée car facilement accessible à tous et fait partie des grands classiques
de l'île de Groix. Posée sur un fond de sable clair par moins 18 mètres, le temps et les tempêtes d'hiver ont bien attaqué le
Cyrano qui s'est beaucoup dégradé au fil des années mais qui constitue, néanmoins, un site intéressant pour la seconde
plongée de la journée ou… pour une première plongée sur épave, idéale pour les débutants. A quelques centaines de mètres au nord-ouest
de l’île de Groix, le site est assez protégé, notamment des vents du sud, à tel point qu’en période estivale, il faut être matinal pour
ne pas attendre son tour. Ce site bénéficie d’une luminosité exceptionnelle lorsque l’eau est claire et le soleil de la partie,
la visibilité approche alors les dix mètres voire plus. A cet endroit les courants ne sont pas réputés violents mais il arrive
pourtant assez souvent, en période de gros coefficients de marée, de rencontrer un petit courant de fond. Sur son coté bâbord, le
Cyrano présente une ouverture béante due, vraisemblablement, à la mine.
(dessin : Olivier Brichet)
Quant au bordé tribord, il est en grande partie disparu. Il n'est pas rare qu'un congre monstrueux siège dans un des foyers de la chaudière, et que de l’autre, un homard non moins impressionnant lui fasse face. Les deux hôtes semblent destinés à vous accueillir à bord. La machine est la partie la plus digne d'intérêt du Cyrano et recèle une vie abondante mais les tacauds, les plus nombreux, restent les maîtres des lieux. Les amateurs de photographie sous-marine peuvent trouver là un sujet tout à fait valable avec ces bielles fort jolies à jamais immobiles. Vers l’arrière, le treuil siège au milieu d'un amas métallique, tandis que les trous qui parsèment le fond du navire s’animent sous le faisceau du projecteur curieux. La poupe, vaincue par la corrosion, s’est hélas effondrée, on se laisse alors descendre sur le sable clair pour scruter les restes du safran et l’hélice presque entièrement ensablée dont seule une pale apparaît. La ressemblance avec une nacre est frappante. Le cortège de tacauds est omniprésent et tente de partager, avec les multiples dragonnets, les vers mis au jour par des palmes laboureuses.
Le retour vers l’avant se fait en empruntant le côté non visité du remorqueur. Devant la chaudière, le pont disparu fait place à des débris divers auxquels il est bien difficile de donner un nom puis la proue s’annonce avec, en son centre, ce qui dû être un guindeau. L’étrave, si belle il y a peu, commence malheureusement à se désagréger irrémédiablement. N'hésitez pas à éclairer les caissons qui s'y trouvent car vous avez de fortes chances d'y trouver un congre de belle taille.
Ce chalutier français en acier de 155 tx, construit en 1936, est réquisitionné à l’aube de la Seconde Guerre mondiale par la Marine nationale pour servir comme dragueur auxiliaire sous le nom d'AD 97. La Kriegsmarine en prend bientôt possession et l’arme pour le transport de munitions. Il coule le 17 juin 1943. Complètement disloqué, de nombreux morceaux épars s’étalent sur plusieurs dizaines de mètres. La proue, retournée, constitue une sorte de tente de tôles dans laquelle l’on pénètre par une ouverture située à tribord. Cette partie, d’environ 10 mètres de long pour une hauteur de 3 à 4 mètres, représente le principal attrait de l’épave. L’exploration est donc très limitée mais toujours agréable par beau temps lorsque les rayons de l'astre de lumière viennent danser sur les tôles couvertes de concrétions et se refléter sur les flancs argentés des nombreux tacauds qui animent le site.
Quant aux amateurs de promenades sous-marines plus classiques privilégiant tombants, grottes et fonds divers, sachez que l'île de Groix est à même de les satisfaire. Pourquoi pas une épave le matin et une roche l'après-midi ? De multiples possibilités s'offrent à vous et seul Eole peut, finalement, influencer votre choix.
Sources :
les Messagères de l'Histoire, de Paul Veillon et Jean-Louis Maurette, aux éditions Keltia graphic ;
les Gardiens du Silence, de Jean-Louis Maurette, aux éditions Keltia graphic
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